Voyage au Spitzberg

Le Spitzberg au printemps
Le Spitzberg au printemps

Trois ans, 3 ans, que je n’étais pas retourné sur ce territoire que j’aime tant ! Pour beaucoup le Spitzberg est une terre inconnue, tout juste un nom digne d’un réalisateur de films de science fiction.

Pour moi il s’agit de bien plus, l’archipel du Svalbard, formé par trois îles principale : Nordaustlandet (Terre du Nord en Norvégien), Edgeoya (que l’on appelle aussi l’île des Ours) et Spitzbergen. C’est sur cette dernière que nous atterrissons, plus précisément à Longyearbyen.

Je me suis posé prés d’une vingtaine de fois sur cet aéroport, en été, au printemps et en hiver. C’était une autre époque, un autre temps, ma mission était alors de gérer l’agence de voyage d’aventure « Svalbard Nature » fondée par Pierre Fijalkowski qui l’avait malheureusement transmise exsangue à  Pierre Briglia, dirigeant attentif et passionné qui m’en avait alors confié les rennes. Ce fut une très belle aventure, tant sur le point humain, que du point de vue des affaires et des paysages. C’est là aussi en participant à la réalisation de 8 brochures que j’ai validé mes compétences en photographie commerciale. Aujourd’hui la structure perdure dans le girond du groupe Géophile au sein de l’agence 66°Nord. Mais les amis et les sensations restent.

L’avion se pose, sans vent, sans verglas sur la piste, je suis assis à côté de Manu Deiller, gérant, réalisateur et cadreur chez Artcam Production. Ce passionné du monde arctique a en prévision un documentaire sur le lieu. S’il connait bien l’histoire et les péripéties de la zone, il ne connait pas à proprement parler les grands espaces sauvages. En ce qui me concerne avec plusieurs promenades en kayak de mer tout autour d’Isford allant de 6 à 16 jours en autonomie, avec une ballade en pukla sur la côte Est de 15 jours sans ravitaillements ni soutien, je me sens comme chez moi dans ce genre d’environnement. Je vais donc lui faire découvrir ce que nous appelons le terrain.

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Le Canon EOS 5D mark III
Le Canon EOS 5D mark III

Nous avons un planning chargé, en moins de 24 heures, il va nous falloir préparer la nourriture et l’équipement pour 5 jours en autonomie, à deux, à l’autre bout d’Isfjord. Au pied du Glacier de Svéa, un endroit idéal pour se rendre compte de ce que l’on ressent en vivant à côté d’un glacier qui avance dans la mer. Il me faudra aussi trouver une arme pour se sentir « un peu plus » en sécurité malgré la présence de l’ours.

Une fois les préparatifs réalisés et notre matériel photo et vidéo vérifié, nous embarquons pour faire au moteur les 40kms qui nous séparent de toute vie humaine, surtout à cette période de la fin Aout. Une fois déposé et le rendez-vous de retour pris, nous voila tous les deux, libres et livrés à nous mêmes, ce qui ne va pas sans inquiéter un peu Manu. Nous espérons tomber sur quelques animaux et faire quelques images de kayak et de randonnée. Malheureusement comme souvent en pleine nature le temps ne sera pas de la partie et nous allons surtout beaucoup marcher sous la pluie. Nous ferons tout de même une belle rencontre avec un renard arctique et un petit troupeau de rennes que nous pourrons approcher jusqu’à moins de 15 mètres. De l’ours nous ne verrons que des traces que je connaissais déjà des années précédentes.

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Au bout des quelques jours, rapidement décalés par le jour permanent et le manque de sommeil du aux tours de garde pour surveiller toute tentative d’approche d’ours, nous sommes tendus et c’est à ce moment qu’une belle tempête éclate, il faut éloigner notre campement de la berge et nous prostrer dans la tente, même plus possible de faire les tours de garde dehors… il y aura une unique éclaircie qui nous permettra d’être rapatriés à Longyearbyen. Ouf…

Nous aurons tout de même un peu de beau temps pour une randonnée sur les hauteurs pour faire d’autres images en dominant le fjord et la ville, et pour rencontrer une belle colonie de lagopèdes.

Journée tranquille
Journée tranquille

Alors que Manu se concentre sur ses rendez-vous officiels, j’ai croisé Yannick Long, un autre guide et humble aventurier du grand nord. D’un regard en une seconde nous savons déjà que nous allons mettre les voiles, nous offrir un beau cadeau, une parenthèse intemporelle de fin de saison, un petit trip sans clients, sans objectifs. Rendez-vous pris le lendemain matin, les courses sont faites en moins de deux, le plus long sera d’emmener le kayak jusqu’à l’eau. Nous partons pour Diabasoden, rien d’exceptionnel, juste quelque heures de kayak nous séparent de cette falaise aux oiseaux que mon ami et guide Stéphane Lacour aimait tant (ndlr : Stéphane Lacour – Guide polaire – Pisteur artificier – décédé le 25 février 2010 aux côtés de sa compagne Laurence Corti à la Toussuire dans l’exercice de ses fonctions).

Nous arrivons sous le soleil, sur la plage, sans se parler nous savons quoi faire, le premier débarque, sort le fusil de son étui étanche, vérifie qu’il est chargé, le pose au sol prêt à tirer, le second débarque, sort le pistolet d’alarme, nous montons le bateau, marchons jusqu’à cet abri de fortune que nous connaissons et qui remplacera avantageusement la tente. Nous passerons 5 jours ici, des journées à notre rythme alternant petit déjeuné au soleil, grandes balades, apéro et dîner copieux, longue discussion sur nos métiers, les femmes et la nature. Nous sommes ici dans la quintessence de l’instant présent, partageant de longs moments de réflexion intérieure et de grandes discussions.

Ecriture
Ecriture

Mais nous savions que la fenêtre météo serait brève et que le moment de rentrer allait venir, pour moi le moment du retour aussi. En une petite heure le kayak est chargé, prêt à repartir, déjà le vent et la mer forcissent. Il ne faut pas traîner, le retour se fait le long d’une côte abrupte, nous ne pourrons pas nous reposer et encore moi nous mettre à l’abris.

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Au chaud dans nos combinaisons Kokatat

Nous voila donc partis avec Yannick pour 6 heures de pagayage vigoureux au lieu de 3 en temps normal. La première heure et demi se fera bon train, rigolant des vagues qui nous fouettent le visage. L’heure suivante, sera moins joviale, avec tout de même quelques remarques sur  : le temps qui n’est pas avec nous, le cap qui ne se rapproche pas très vite ou le fait que le bateau ne glisse pas. Au bout de quatre heures, nous échange se résume à « passes moi l’eau », « il te reste combien de barre de céréales… ».

Après 5h c’est à peine si nous nous exprimons, je crois me rappeler d’un  » toi, ça va toi ? » de l’un et d’un « on lâche rien ! » de l’autre ! Enfin nous voyons Longyearbyen et nous sommes un peu à l’abri, il nous reste 40 min et nous serons à terre, mais pas question de se relâcher, nous sentons nos bras et nos épaules. Nous savons bien que c’était finalement le prix à payer pour profiter un peu plus de cette petite parenthèse.

Il faut débarquer sous un bon grain, je me suis mis à la bourre pour l’avion, j’ai quelques heures pour me préparer à partir, Yannick propose de finir le rangement, j’ai honte et j’espère lui rendre la pareille bientôt. Nous nous séparons d’une poignée de main qui se transforme en embrassade. Nos chemins se recroiseront, peut être pas demain mais un jour c’est sur!

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Je file en ville, prépare mes affaires, rend le fusil et rejoins Manu qui a passé une bonne semaine avec de belles rencontres lui aussi ! C’est parti pour l’aéroport. Dans l’avion pensif, je songe à cette adage « Sois ce que tu es » : Photographe ? Voyageur ? Chercheur en Vie Meilleure?

Merci à Artcam Production qui a financé le séjour de Manu, Merci à Allibert Trekking qui a complété un peu le budget, Merci à 66°Nord / Svalbard Nature pour la location de la logistique, Merci à Select Paddle pour le matériel et à Julbo pour le soutien.

Voila ce que Artcam a produit pour le compte de Allibert :

Découvrir le Spitzberg en kayak from Allibert Trekking on Vimeo.